Une histoire de dissolution

Comme d’habitude, ce mercredi 14 novembre, à mon réveil, je me saisis de mon téléphone portable pour me brancher sur les réseaux sociaux et prendre les nouvelles du pays. Il faut dire que deux jours auparavant, une campagne contre le cumul de mandats électifs en Côte d’Ivoire avait été lancée sur twitter et prenait des proportions grandissantes. Mais que ne fut ma surprise d’apprendre que le gouvernement ivoirien venait d’être dissout. L’information m’aurait paru un canular si elle n’avait été diffusée par la vénérable BBC. Un communiqué de la présidence, repris par l’AFP viendra faire connaître les raisons d’une décision que personne n’aura vu venir. Des députés issus de la même famille politique que le président de la république ont refusé de voter des amendements de la loi sur la famille proposés par le gouvernement.

Il faut avouer que cette décision a réjoui plus d’un, moi y compris. En effet, ce gouvernement formé au mois de mars dernier a toujours fait l’objet de nombreuses de critiques. La moindre n’étant pas la répartition des portefeuilles et les multiples doublons. Il y avait par exemple un ministère des Ressources animales et un autre pour  l’Agriculture ; un ministère pour les Droits de l’Homme et un autre pour la Justice ; un ministère du Logement et un autre pour la Construction ; un ministère de l’Environnement et un autre pour la Salubrité urbaine, sans oublier celui des Eaux et forêts ; et comme si les Mines, le Pétrole et l’Énergie ne faisaient pas partie des Infrastructures économiques, on a trouvé le moyen de scinder ce secteur en deux. Des railleurs ont parlé de « gouvernement de remerciement national ».

Mais très vite, chez moi, l’euphorie a fait place au doute concernant les raisons avancées pour expliquer ce qui s’apparentait beaucoup plus à un limogeage qu’à une simple dissolution. Il faut le dire tout net. Le premier ministre a été congédié. Et on n’a même pas pris la peine de sauver les apparences en lui demandant  de démissionner. Le prétexte trouvé, l’insubordination de quelques députés, n’explique pas du tout le courroux du Président de la République. Le choix du premier ministre, selon les textes en vigueur, est une prérogative qui lui revient de plein droit. Mais ses concitoyens, qui ne sont pas ses sujets, ont eux un droit d’être informés quant à la conduite des affaires de l’État.

Concernant cette dissolution, les Ivoiriens ont certes été informés mais la vérité a été quelque peu écorchée. On s’explique mal que le gouvernement soit responsable des actes de quelques députés frondeurs. A la limite, la punition appropriée dans le cas d’espèce aurait plutôt été une dissolution de l’Assemblée nationale. Des députés rebelles, les exemples sont légion. En France, récemment des députés PS et des Verts ont voté contre la proposition de loi sur le traité européen ; en Grande-Bretagne, il y a quelque semaines, des députés conservateurs  se sont opposés à Cameron à propos du financement de l’Union européenne. Aux Etats-Unis, les députés votent souvent en fonction de leurs intérêts immédiats. Ainsi donc, on ne peut prendre le risque de provoquer une crise politique dans un pays encore fragile et peu stable à cause d’une loi dont la portée reste à déterminer.

En réalité, tout le monde s’attendait à un remaniement. Seule la date était inconnue. Le président aurait donc pu changer son équipe gouvernementale en s’appuyant sur le besoin de donner un souffle nouveau et plus dynamique à son action politique. Il aurait pu invoquer un changement de cap qui nécessitait de nouveaux acteurs. On aurait tous acquiescé. Certes, on l’a fait ce matin. Mais avec ce goût amer que  la vérité a quelque peu souffert dans tout ce processus. Une nation moderne a besoin de transparence.

Jacques Touré

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